Un nouveau risque lié au marché obligataire a retenu l’attention dernièrement. Un sondage mené par Greenwich Associatesi,ii auprès de 128 gestionnaires institutionnels américains a en effet mis en lumière cette nouvelle réalité et son impact sur les FNBiii d’obligations.
Les marchés d’actions et d’obligations sont organisés de façon différente. Plutôt que sur un marché centralisé (la Bourse), les obligations sont négociées au moyen d’un réseau constitué d’institutions (caisses de retraite, fonds de dotation, firmes de gestion d’actifs, compagnies d’assurance, etc.) et de banques d’investissement, ces dernières agissant comme fournisseurs de liquidités.
Lorsqu’une banque d’investissement reçoit l’appel d’une institution qui désire vendre une obligation, elle peut soit rechercher un nouvel acheteur, soit l’acheter à son propre compte et l’ajouter à son inventaire. La banque d’investissement reçoit de nombreux ordres vendeurs et acheteurs, et elle réalise un « écart », ou encore une marge bénéficiaire – un peu comme le ferait un magasin de détail. L’activité de la banque d’investissement consiste donc à absorber les surplus et les déficits d’obligations de manière ponctuelle, car les acheteurs et les vendeurs se présentent rarement au même moment. Cette activité est encore plus complexe du fait de la multitude des obligations qui sont négociées sur le marché. En bref, l’inventaire de la banque d’investissement sert de « tampon » et aplanit les déséquilibres ponctuels entre la demande et l’offre d’obligations.
Après la crise financière de 2008, les gouvernements ont décidé qu’ils ne voulaient plus devoir renflouer les banques. Comme les inventaires d’obligations constituent un risque considérable pour les banques d’investissement, les autorités de la règlementation les ont obligées à les réduire. Cette réduction entraîne toutefois un accroissement du risque de liquidité. Autrement dit, une chute brutale du cours des obligations risquerait de se produire advenant la présence de nombreux vendeurs et de très peu d’acheteurs au même moment.
Ce risque est-il bien réel? Le sondage de Greenwich mentionné plus tôt nous apprend que le tiers des gestionnaires institutionnels interrogés affirment qu’il est plus difficile de négocier les obligations depuis deux ans. Il est donc très plausible que le risque de liquidité ait augmenté.
Étonnamment, les FNB sont souvent perçus par les gestionnaires institutionnels comme une solution au problème de liquidité. Le volume négocié sur les FNB d’obligations s’est accru au rythme effréné de 30 % depuis 2008. Presque la moitié des gestionnaires interrogés (60 sur 128) utilisent les FNB soit comme solution de placement stratégique à long terme, soit comme outil pour apporter des ajustements aux portefeuilles à court terme. Parmi les gestionnaires qui utilisent déjà les FNB, 24 % prévoient le faire encore davantage au cours de l’année à venir, alors que les 76 % restants prévoient continuer au même rythme.
La nouvelle règlementation des banques d’investissement réduit le risque d’une faillite bancaire, mais augmente le risque de liquidité sur le marché des obligations. Ce dernier risque est particulièrement élevé en cas de déséquilibre important entre l’offre et la demande d’obligations (crise de liquidité) : il est en effet possible qu’à ce moment les prix des obligations fluctuent davantage qu’autrefois. Seul le temps le dira.
Dans l’éventualité d’une crise de liquidité, quel est le placement le plus sûr, FNB ou titres individuels? Les FNB d’obligations se négocient sur un marché centralisé (la Bourse) où des milliers d’acheteurs et de vendeurs se font concurrence. En revanche, les vendeurs d’obligations (surtout s’il s’agit de particuliers) sont à la merci de leur banque d’investissement. En période de stress intense, on peut raisonnablement penser que la banque sera peu accommodante : elle voudra d’abord et avant tout atténuer son propre risque! De notre point de vue, les FNB d’obligations l’emportent nettement sur les titres individuels.
En définitive, les investisseurs qui réussissent à long terme ne devraient pas se soucier outre mesure du risque de crise de liquidité sur le marché des obligations : ils ne participent généralement pas aux mouvements d’achat ou de vente en panique et, une fois la poussière retombée, ils ne sont pas affectés par ces accidents de parcours.
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i Greenwich Associates, « Bond Market Challenges Continue to Drive Demand for Fixed-Income ETFs », 2015
ii Ce sondage a été commandité par Blackrock, important gestionnaire de FNB.
iii Fonds négociés en Bourse