Avr 24, 2024

La révolution des fonds passifs

Les fonds « passifs » ou « indiciels » – produits encore marginaux au tournant du millénaire – sont devenus une force dominante sur le marché mondial de l’investissement, et leur essor est révolutionnaire à plus d’un titre. Premièrement, les investisseurs particuliers ont aujourd’hui accès aux stratégies d’investissement à faible coût qui étaient auparavant réservées aux fonds de pension et aux autres investisseurs institutionnels. Deuxièmement, quiconque dispose de quelques dollars à investir peut devenir un véritable capitaliste sans être un entrepreneur ou un expert de la Bourse. Troisièmement, le secteur de la gestion de fonds vit un bouleversement, dans la mesure où la part de marché des fonds actifs s’amenuise à un rythme vertigineux.

Dans cette série, nous explorons pourquoi les fonds passifs sont supérieurs, quels types de véhicules d’investissement passifs sont disponibles et comment les investisseurs peuvent les utiliser à leur avantage.

Les fonds à gestion active en difficulté

La mauvaise performance des fonds gérés activement – qui cherchent généralement à battre les indices boursiers – est largement documentée. La société de recherche et d’analyse Standard and Poor’s (« S&P ») a récemment publié un rapport confirmant ces résultats désastreux. En effet, la plupart (généralement neuf sur dix) des fonds gérés activement disponibles au Canada n’ont pas réussi à faire mieux que leur indice de référence sur dix ans dans chaque catégorie répertoriée.

Tableau 1 – Pourcentage de fonds actifs qui génèrent un rendement inférieur à celui de leurs indices de référence[1]

Actions canadiennes97 %
Actions canadiennes principalement98 %
Actions canadiennes à dividende et revenu élevés88 %
Actions canadiennes de moyenne et petite capitalisation76 %
Actions américaines98 %
Actions internationales[2]96 %
Actions mondiales[3]98 %

Source: Standard and Poor’s

Comme le montre le tableau 2 ci-dessous, le fonds géré activement moyen fait moins bien que son indice de référence par une marge s’échelonnant de 0,5 % à plus de 4 %, selon la catégorie d’actifs.

Tableau 2 – Rendement sur dix ans du fonds commun de placement actif moyen par rapport à l’indice de référence

CatégorieRendement du fonds pondéré en fonction de l’actifRendement de l’indice de référenceDifférence : Fonds moins indice de référence
Actions canadiennes6,05 %7,62 %-1,57 %
Actions canadiennes principalement6,27 %9,30 %-3,03 %
Actions canadiennes à dividende et revenu élevé6,57 %7,05 %-0,48 %
Actions canadiennes de moyenne et petite capitalisation4,41 %5,68 %-1,27 %
Actions américaines10,45 %14,48 %-4,03 %
Actions internationales5,64 %7,06 %-1,42 %
Actions mondiales7,02 %11,39 %-4,37 %

Source: Standard and Poor’s

Migration des investisseurs

Au Canada, la part de marché des fonds passifs est passée de 10 % à 16 % depuis 2014. Aux États-Unis, l’essor des fonds passifs a été fulgurant, leur part de marché passant de 26 % à 47 % au cours des neuf dernières années. Cette part de marché est passée de 14 % à 31 % pour le monde hors Amérique du Nord. Plus étonnant encore, les fonds actifs ont subi des sorties nettes cumulées sur dix ans à l’échelle mondiale alors que, parallèlement, les fonds passifs ont bénéficié d’afflux colossaux.

Bref, de nombreux investisseurs dans le monde abandonnent les fonds gérés activement en faveur des fonds passifs. Si la tendance se maintient, les fonds passifs détiendront la majeure partie du marché mondial des fonds de détail d’ici quelques années.

Les fonds passifs font-ils toujours mieux?

Pour répondre à cette question, j’ai identifié tous les fonds communs de placement passifs ayant au moins dix ans d’historique au Canada, puis j’ai comparé leurs rendements au rendement moyen pondéré par les actifs des fonds gérés activement documentés par S&P.[4] J’ai choisi la catégorie de fonds communs de placement passifs la plus chère (dite « basée sur des commissions ») afin de faire la comparaison la plus juste possible. La plupart des fonds gérés activement documentés par S&P sont également des fonds communs de placement à commissions.

Dans la catégorie des actions canadiennes, le fonds indiciel canadien CIBC a produit un rendement annualisé de 6,5 %, le fonds indiciel canadien RBC DZ a produit un rendement de 6,8 %, le fonds Scotia d’actions canadiennes indiciel A, un rendement de 6,6 %, et le fonds indiciel canadien TD, un rendement de 6,9 %. Au cours de la même période, les fonds d’actions canadiennes gérés activement ont produit un rendement de seulement 6,1 %; l’écart se situe donc entre 0,4 % et 0,8 % en faveur des fonds passifs.

Pour les actions canadiennes à dividendes élevés, la Catégorie FNB de dividendes canadiens Invesco, série A, a généré un rendement de 5,3 %, comparativement à 6,6 % pour la moyenne des fonds à gestion active, soit un avantage de 1,3 % en faveur des fonds actifs.

Pour les actions américaines, le fonds indiciel américain CIBC a produit un rendement annualisé de 12,8 %, le fonds FDP Portefeuille d’actions américaines A, un rendement de 12,3 %, le fonds indiciel américain RBC DZ, un rendement de 13,4 %, le fonds Scotia indice d’actions américaines A, un rendement de 12,8 %, et le fonds indiciel américain TD I, un rendement de 13,5 %. Dans le même temps, les fonds d’actions américaines gérés activement ont rapporté en moyenne seulement 10,5 %. Ainsi, les fonds communs de placement passifs d’actions américaines ont fait mieux que la moyenne des fonds gérés activement par une marge comprise entre 1,8 % et 3 %.

Enfin, dans la catégorie des actions internationales, le fonds Indice international CIBC a généré un rendement de 5,3 %, le Fonds Scotia Indice d’actions internationales A, un rendement de 4,9 % et le Fonds Indice international TD I, un rendement de 5,7 %, comparativement à 5,6 % pour la moyenne des fonds d’actions gérés activement. Ainsi, la différence de rendement entre les fonds passifs d’actions internationales et le fonds commun de placement actif moyen a été comprise entre -0,7 % et +0,1 %.

En résumé, les fonds passifs ont largement dominé les catégories d’actions canadiennes et américaines et ont légèrement sous-performé dans la catégorie des actions internationales. Pendant ce temps, le seul fonds passif disponible dans la catégorie des actions canadiennes à dividendes élevés a fait considérablement moins bien que ses homologues.

Pourquoi les fonds passifs font parfois moins bien

Diverses raisons peuvent expliquer la sous-performance occasionnelle de certains fonds passifs. Le problème vient rarement des frais, car les fonds passifs facturent en moyenne moins que les fonds actifs pour gérer votre argent, dans toutes les catégories.

Une source de sous-performance peut être le choix de l’indice de référence que le fonds passif cherche à répliquer. Par exemple, la Catégorie FNB de dividendes canadiens Invesco, série A (mentionnée ci-dessus) vise à répliquer l’indice de dividendes canadiens NASDAQ Select, qui peut ou non être optimal pour représenter la classe d’actifs qu’elle cible.

Une autre raison pourrait être que les gestionnaires actifs se sont collectivement éloignés de leur mandat. Par exemple, il est courant que les fonds actifs d’actions internationales détiennent 5 à 10 % d’actions américaines, qui sont systématiquement exclues des fonds passifs d’actions internationales.

Une troisième explication pourrait être que certains des fonds actifs documentés dans l’étude de S&P appartiennent aux catégories de parts les moins chères, ce qui fausserait la comparaison en défaveur des fonds passifs.

Enfin, les fonds passifs peuvent sous-performer simplement parce que les gestionnaires de fonds actifs ont réussi à « battre le marché ».

L’avantage concurrentiel des fonds passifs

Il est bien connu que les fonds passifs font mieux que leurs pairs à gestion active aux États-Unis. Ils sont également susceptibles de surperformer au Canada, d’autant plus que leur avantage en matière de frais est plus important au nord de la frontière : les fonds passifs sont 1,18 % moins chers que les fonds actifs au Canada, contre seulement 0,62 % aux États-Unis. Selon un autre rapport de recherche de S&P, les fonds passifs bénéficient de deux avantages concurrentiels supplémentaires, en plus de leurs frais moins élevés.

Premièrement, la professionnalisation de la gestion des placements réduit la présence d’investisseurs amateurs dont les erreurs peuvent être exploitées par les gestionnaires de fonds actifs pour surperformer.

Un autre avantage concurrentiel des fonds passifs est la répartition asymétrique des rendements boursiers. À long terme, relativement peu de titres très performants expliquent à la marge les rendements boursiers mondiaux, tandis que la plupart des actions du marché sous-performent. En d’autres termes, comme l’explique S&P, « la probabilité qu’une action choisie au hasard génère une performance supérieure à la moyenne était de 26 %, et non de 50 %. Lorsque moins d’actions surperforment, la gestion active est plus difficile ». 

Pourquoi je recommande les fonds passifs

Au-delà de leur probable surperformance, je pense qu’il existe plusieurs raisons d’adopter les fonds passifs.

Premièrement, les gestionnaires actifs ont tendance à se comporter « activement », c’est-à-dire à réaliser un grand volume de transactions. Ces nombreuses transactions génèrent des commissions qui enrichissent les banques d’investissement aux dépens des investisseurs.

Deuxièmement, les fonds passifs sont prévisibles : les investisseurs savent qu’ils obtiendront le taux de rendement du marché moins les frais.

Troisièmement, les fonds passifs protègent les investisseurs contre la « dérive des gestionnaires ». Comme je l’ai mentionné, de nombreux fonds d’actions internationales contiennent d’importantes composantes d’actions américaines ou de liquidités. En revanche, les fonds passifs sont liés par un mandat clair qui n’autorise pas ce genre de comportement. Vous savez précisément ce que vous achetez avec un fonds passif, ce qui n’est pas forcément le cas avec un fonds actif.

Quatrièmement, avec les fonds passifs, il n’y a aucune excuse pour de mauvais rendements. Vous pouvez abandonner un fonds passif sans hésitation s’il ne reproduit pas son indice de référence. En revanche, lorsqu’un fonds actif fait moins bien que le marché, il est difficile de déterminer si cela est dû à la malchance ou à l’incompétence.

Enfin, je trouve que les fonds passifs conviennent mieux à la planification financière. Le chemin vers la liberté financière est semé d’embûches : perspectives d’emploi incertaines, problèmes de santé, naissance de jumeaux, divorce, second mariage, coût des études universitaires pour les enfants, pression sociale incessante pour consommer toujours plus, etc. Les événements de la vie affectent notre capacité à épargner, à investir et à préparer l’avenir. Les fonds actifs ajoutent une autre couche d’incertitude, car leurs rendements à long terme sont moins prévisibles que ceux des fonds passifs.

Mon prochain article fournira des informations cruciales pour concevoir votre portefeuille en fonction de vos besoins. J’expliquerai les différentes catégories de parts de fonds communs de placement et passerai en revue leurs avantages par rapport aux fonds négociés en Bourse.


[1] Basé sur les rendements nets des frais.
[2] La catégorie « actions internationales » inclut les titres de tous les pays développés excepté le Canada et les États-Unis.
[3] La catégorie « actions mondiales » inclut les titres de tous les pays développés.
[4] Les rendements annualisés sur dix ans sont calculés au 31 décembre 2023. Sources: Standard and Poor’s, CIBC, FDP, Invesco, RBC, Banque Scotia et TD.

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