Dans sa forme la plus simple, la décision d’allocation d’actifs consiste à déterminer la proportion d’actions par rapport aux obligations que vous décidez de détenir dans votre portefeuille d’investissement à long terme. Vous vous demandez peut-être : pourquoi devrais-je investir dans l’un ou l’autre ?
La réponse courte : l’inflation et son impact sur notre coût de la vie au fil du temps. La Banque du Canada met à disposition un calculateur public qui permet d’estimer combien coûtera un produit ou un service en 2025 s’il coûtait X $ à une certaine année passée. Pour illustrer cela, j’ai analysé l’évolution du prix d’un produit ou service acheté en 1970 pour 1 $. Le résultat est frappant : ce même produit ou service coûterait environ 8,10 $ aujourd’hui, ce qui représente une hausse d’environ 710 % !
Autrement dit, en tant qu’investisseurs, nous devons agir pour nous assurer que notre richesse croît à un rythme au moins équivalent à celui de l’inflation, voire supérieur, afin de maintenir notre niveau de vie au fil du temps.
Nous adoptons une approche fondée sur les preuves en matière de gestion de patrimoine. De nombreuses études démontrent qu’un excellent moyen de lutter contre l’inflation est d’investir notre argent à long terme dans les actions et les obligations. Notre collègue Ray a récemment publié un excellent article de blogue qui présente les rendements avant inflation qu’ont obtenus les investisseurs canadiens entre 1970 et 2024, selon différentes stratégies d’allocation d’actifs.
En consultant le tableau ci-dessous, on observe qu’en 2024, un investisseur canadien ayant détenu un portefeuille composé à 100 % d’obligations (indice global du marché obligataire canadien) aurait 48,65 $ pour chaque dollar investi en 1970, alors qu’un investisseur ayant misé 100 % sur les actions (diversifié mondialement) aurait 130,44 $. Si les actions mondiales génèrent la plus grande richesse, pourquoi inclure des obligations dans son portefeuille ?
Portefeuille | Rendement annualisé | Volatilité | Valeur finale de 1 $ investi en janvier 1970 |
Revenu fixe | 7,32 % | 5,74 % | 48,65 $ |
40EQ60FI | 8,30 % | 6,87 % | 80,46 $ |
60EQ40FI | 8,69 % | 8,59 % | 98,06 $ |
80EQ20FI | 9,01 % | 10,65 % | 115,21 $ |
Actions mondiales | 9,26 % | 12,89 % | 130,44 $ |
Source: PWL Capital, Data Source: DFA
Eh bien, investir dans les actions et les obligations implique des risques différents. Les actions sont risquées en raison de leur forte volatilité à court terme. Les obligations sont sensibles aux taux d’intérêt et offrent des rendements attendus inférieurs à ceux des actions, ce qui peut compliquer le suivi de l’inflation à long terme.
En repensant aux pires baisses de marché récentes, je pense notamment à la crise financière de 2008-2009. Un portefeuille composé à 100 % d’actions a chuté temporairement de 48 %, alors qu’un portefeuille composé de 40 % d’actions et 60 % d’obligations a connu une baisse de 19 %. En somme, plus d’actions augmentent le potentiel de croissance de votre richesse à long terme, tandis que plus d’obligations réduisent l’ampleur des corrections boursières que votre portefeuille peut subir.
Maintenant que vous comprenez mieux pourquoi il est pertinent d’investir à la fois en actions et en obligations, voyons comment nous aidons nos clients à déterminer leur stratégie d’allocation d’actifs “optimale”. Précisons que nous ne disons jamais à un client quel niveau de risque il doit prendre – le risque est une notion très personnelle – mais nous présentons les considérations importantes et les effets des différentes stratégies sur leur plan financier à long terme.
Nous commençons ce processus en envoyant un questionnaire sur le risque aux investisseurs, ce qui nous permet de mieux comprendre leurs sentiments face au risque et à l’investissement. Cet exercice est précieux : il nous aide à cerner leur tolérance au risque et leurs réactions face à des simulations de corrections de marché. J’aime particulièrement comparer les résultats des deux conjoints lorsque nous travaillons avec une famille, car les résultats sont rarement identiques – ce qui mène à des discussions intéressantes sur leur rapport à l’argent depuis leur enfance.
Une fois les résultats du questionnaire analysés, nous identifions la capacité réelle de l’investisseur à prendre des risques. Cela inclut : la durée d’investissement envisagée, l’existence d’un fonds d’urgence, la stabilité du flux de trésorerie, et la couverture d’assurance. Ces éléments sont essentiels pour savoir si l’investisseur peut vraiment se permettre de prendre des risques.
Nous utilisons ensuite un logiciel spécialisé qui évalue le questionnaire de risque et propose une plage d’exposition en actions/obligations à envisager.
Cette étape ne représente que le début de notre accompagnement pour déterminer l’allocation d’actifs, mais elle garantit que nous avons effectué une analyse rigoureuse avant de passer à l’étape suivante.
Une fois l’exposition potentielle en actions/obligations identifiée, nous construisons un plan financier complet pour comprendre comment cette décision d’allocation d’actifs influe sur les résultats à long terme.
Nous constatons souvent que les familles proches de la retraite ou ayant atteint l’indépendance financière recherchent davantage de certitude, ce qui les pousse naturellement à inclure plus d’obligations dans leur portefeuille. En modélisant différentes stratégies, nous les aidons à comprendre le taux de rendement attendu nécessaire pour atteindre la sécurité financière à la retraite. Cela nous permet d’établir un « plancher » d’exposition aux actions à inclure.
Cette approche aide nos clients à voir la différence entre le rendement requis pour atteindre leurs objectifs et le rendement potentiel associé à une stratégie plus risquée – ce qui reflète leur volonté d’assumer plus de risque pour en récolter les bénéfices.
Comme nous intégrons l’allocation d’actifs dans le plan financier global, nous pouvons quantifier l’impact de chaque stratégie sur la capacité de dépense à vie, la date de départ à la retraite, et même l’héritage financier. Toutes ces simulations sont testées via Monte Carlo, c’est-à-dire simulées selon 1 000 scénarios de rendements boursiers et obligataires pour vérifier la robustesse du plan.
Nous envoyons ce courriel aux nouveaux clients qui choisissent leur stratégie d’allocation pour la première fois avec nous. Nous y exposons clairement les caractéristiques risque/rendement des marchés boursiers et obligataires, ainsi que des éléments clés de leur stratégie financière :
Remboursent-ils une dette ? Cela peut être vu comme une « composante sûre » du portefeuille.
Ont-ils un régime de retraite à prestations déterminées (ou le RPC/SV) ? Cela équivaut à avoir des « obligations supplémentaires » dans leur patrimoine global.
Ont-ils constitué un fonds d’urgence conséquent (6+ mois de dépenses nettes) ? Cela peut justifier une plus grande exposition aux actions.
Comment sont-ils investis actuellement, et comment ont-ils réagi aux précédentes baisses de marché ?
Envisagent-ils une stratégie plus exposée aux actions que celle modélisée dans leur plan ? Si cela est cohérent, nous soutenons leur décision, tout en rappelant que cela implique plus de risque que nécessaire.
Nous incluons également une visualisation de nos portefeuilles modèles, montrant les rendements historiques sur différentes périodes, mais aussi la pire baisse enregistrée sans modifier le portefeuille.
Ce courriel récapitule les avantages d’une plus grande exposition aux actions (atteindre l’indépendance financière plus tôt, améliorer son patrimoine, etc.) et les avantages d’une plus grande exposition aux obligations (plus de stabilité, très apprécié à l’approche de la retraite).
À ce stade, nous espérons que nos clients disposent de suffisamment d’informations pour prendre une décision éclairée, et nous les assurons que cette stratégie sera réévaluée régulièrement.
Je suis convaincu qu’une stratégie d’investissement n’est valable que si l’on peut s’y tenir, même lorsque les marchés sont agités. Sinon, on risque de ne pas bénéficier des rendements attendus. Les finances personnelles peuvent être stressantes, donc il est essentiel que les investisseurs trouvent la paix d’esprit, sans s’inquiéter des fluctuations à court terme.
Les nouveaux investisseurs ont parfois tendance à se tourner vers des portefeuilles fortement exposés aux actions, pour « rattraper » leur épargne ou profiter de rendements qu’ils n’ont pas pu obtenir auparavant. Je ne recommande pas cette approche.
Investir est un marathon, pas un sprint. La volatilité boursière n’est jamais agréable, mais chaque correction majeure rapproche nos clients d’une meilleure tolérance au risque. Ils deviennent peu à peu indifférents à la volatilité, et je pense sincèrement que cela est possible parce qu’ils ont choisi une stratégie d’allocation qu’ils peuvent supporter tout en devenant des investisseurs plus confiants.